Vers de nouveaux paradigmes
Changer de modèle managérial ?
De Boltanski à Clot et de Dejours à Suppiot, les chercheurs nous annoncent un changement de modèle entrepreneurial déjà en marche.
Il a sans doute atteint sa limite le vieux modèle qui place l’individualisme et la compétition au centre de l’économie, où le contrôle par la hiérarchie, la gestion et la finance ont pris le dessus sur la responsabilité, l’expertise métier et les relations au travail. Et le modèle devient contre-productif alors même qu’il était censé renforcer la productivité, la qualité et le travail en équipe. Quels que soient les rafistolages et les replâtrages que nous proposent les projets et propositions qui s’affrontent sur la scène de théâtre de la comédie politique, seul un changement de modèle entrepreneurial pourra nous permettre de dépasser la limite de notre enfermement économique.
Le nouveau modèle économique est déjà là qui pousse dans les interstices d’un modèle institué qui se craquelle.
De l’expérience de Favi que nous avons modélisée aux recherches des universitaires qui se penchent sur le travail depuis plus de trente ans, naissent les prémisses d’une nouvelle organisation du travail, d’une sociologie des relations au travail, qui portent en elles une promesse de redéploiement économique qui soit ni de gauche ni de droite.
En laissant, par ignorance ou inattention, la finance et la gestion s’emparer de la production, les gouvernances successives des ces trente dernières années ont laissé se déliter l’écologie du travail, source de santé sociale et d’épanouissement personnel. Et également les zones de ressourcement, de renouvellement, de créativité et par là même la fonction socialisante du travail.
De vecteur d’insertion sociale, le travail est devenu source de risque psychosocial.
Mais, comme le dit Yves Clot, les individus ne sont pas malades en tant que tel c’est le travail qui est devenu « pathologisant » dans sa forme déterminée par des critères et des valeurs qui n’ont rien à voir avec l’activité mais avec la valeur boursière de cette activité.
Travailler c’est se transformer soi-même, ce n’est jamais répondre tout à fait au travail prescrit. Or la gestion prône le contraire, entend tout maitriser : en ce sens le gestionnaire est devenu un adversaire du travail. Les objectifs prescrits sont des adversaires du travail. Les contraintes imposées par les nouvelles technologies et les programmes d’autocontrôle reposent sur des objectifs exclusivement quantifiables.
Ce constat que nous pouvons tous faire, avec l’aide des chercheurs et notre bon sens de l’acteur, ne suffit pas. S’il suffisait de dire qu’il faut changer de modèle pour que les choses s’arrangent les politiques auraient déjà trouvé et mis en place les solutions.
La question reste de définir les conditions qui rendront inutile l’exercice du pouvoir par la finance et la gestion.
Comment la coopération et le collectif pourraient-ils remplacer l’individualisme sans conduire au collectivisme de triste mémoire ?
Comment le modèle unique imposé par une élite aux critères essentiellement financiers peut-il être équilibrée par la prise en compte de l’intérêt général, tout en conservant les critères de compétitivité indispensables à la pérennité des entreprises et sans conduire à un consensus mou vers le moins pensant politique ?
Comment le travail comme valeur de socialisation peut-il remplacer le marché du travail utilisé comme valeur financière, où la concurrence se fait sur le moins coutant et où ce moins coutant a un cout social exorbitant pour le collectif en terme de santé, de justice sociale, de solidarité et de paix sociale ?
Alors, changer de modèle de changement ?
Les différentes expériences conduites en France et de par le monde ont permis l’émergence de pratiques nouvelles qui démontrent chaque jour leur efficience et leur attractivité.
Ces pratiques nouvelles modélisées et théorisées sont l’objet de notre action.
L’objet de notre travail est de remettre l’acteur au cœur de son métier en lui redonnant la maitrise de son activité et de son organisation, inscrits dans un sens partagé.
Denis Bismuth