Qu’est ce qui peut pousser un chef d’entreprise à décider de « faire la bascule » et libérer l’intelligence dans son entreprise?
Quand on questionne les patrons libérateurs, certains évoquent leur vision de l’homme, comme Jean-François Zobrist, l’ancien patron de FAVI, pour qui l’homme est bon et qui a créé au sein de FAVI une entreprise qui repose sur la confiance « la confiance rapporte plus que le contrôle ». Alexandre Gérard, patron du groupe Innov-on, a trouvé dans le système développé par FAVI un écho personnel très fort puisque après avoir entendu lors d’une conférence JF Zobrist, il a décidé de se lancer dans l’aventure alors que sa société connaissait une période très difficile et s’apprêtait à licencier du personnel.
Vision du monde, vision de l’homme, le discours n’a pourtant rien de philanthropique. L’argent est nécessaire, gagner de l’argent est même obligatoire mais il n’est pas la finalité première, l’objectif premier étant de placer l’homme au cœur de l’organisation. « L’amour du client », « le client au centre », les salariés sont au service des clients et se doivent d’assurer leur satisfaction. Chez Sogilis, petite PME libérée installée à Grenoble, on parle « d’enthousiasmer » le client!
D’autres patrons font le choix de ne pas communiquer sur la libération de leur entreprise et veulent rester discret sur leur motivation profonde. Cherchons à en comprendre les raisons. Communiquer sur son entreprise, c’est s’exposer aux écarts entre ce qui est prescrit et ce qui peut être réellement vécu par les salariés qui eux peuvent avoir à y redire.
Libérer une entreprise est un processus compliqué pour ceux qui ont le plus à perdre c’est à dire le management qui voit ses attributions rediscutées et les fonctions support dont le rôle et les fonctions peuvent être remis en cause par la direction et les salariés. Dans ce contexte, communiquer sur le processus de libération rajoute une couche de complexité supplémentaire et souvent les entreprises préfèrent rester discrètes sur le « statut » de leur libération. On comprend bien pourquoi.
Et puis il peut y avoir d’autres raisons plus implicites, moins avouées. Notamment les motivations profondes du patron libérateur. L’un d’entre eux, qui ne souhaite pas communiquer sur son entreprise, me disait à quel point l’entreprise libérée s’était imposée d’elle même pour lui permettre d’avoir du temps. Du temps pour faire ce qu’il aime faire, du temps pour lui et sa famille. Du temps pour ne « pas se prendre la tête » sur les difficultés de management habituelles : lâcher prise pour ne plus rien tirer, lâcher prise pour ne plus pousser, lâcher prise pour retrouver du calme et de la sérénité.
Un autre me disait à quel point il aimait créer et à quel point il devenait moins bon dès lors qu’il n’était plus dans ce rôle de créateur qu’il aimait tant. Ce qui l’a amené à libérer son entreprise? Une part d’égoïsme où se mêlent confusément des convictions fortes assumées, des partis pris sur la nature humaine mais aussi et surtout ce besoin de faire ce qu’il aime, juste ce qu’il aime, et donc se « défaire » de ce qui le rendait moins bon.
Revenir aux sources de sa motivation profonde.
Alors l’entreprise libérante, un ticket pour la tranquillité des patrons ?
Peut être.
Espérons que cela ne soit pas un alibi pour fuir ou croire qu’il suffit de « disparaitre » pour que les salariés se prennent en main par magie et qu’il suffit de décréter l’entreprise libérée pour qu’elle le devienne. Pas de libération réussie dans la durée sans conviction forte sur la vision commune partagée, une certaine idée de l’homme et de son bien être, sur les valeurs piliers de l’entreprise. Satisfaire sa soif d’égoïsme même affirmée ne serait pas suffisant pour éviter que les écueils pour « délibérer » l’entreprise ne reprennent place..
La libération est un long processus expérimental où chaque entreprise doit apprendre à trouver son équilibre entre la culture de la confiance, le management agile et facilitateur, une organisation souple où les autorisations de prise d’initiative sont encouragées.
Tout un travail d’accompagnement où le coaching et l’accompagnement au travail collaboratif seront majeurs pour le patron comme pour le management amenés à se transformer dans leur changement de posture.